Je Vous ai vu monsieur (Sizi Gördüm Bayım)
Je vous ai vu monsieur
c'était la fin du jour dangereuse
l'eau suintait des robinets fermés
si j'avais touché la prise, les lumières de mon cœur se seraient allumées
la vie contre laquelle je résistais aurait fait un court-circuit
vous vous étiez penché au-dessus du jardin voisin comme une branche fleurie
les grappes étaient courbées, les acacias empressés
les saules étaient dans l'embuscade pour que nul ne vous voie
je vous ai vue malgré tout, même avec mon œil aveugle
les ruelles parlaient de vous… les trottoirs
si c'était le 14ème jour du mois
alors une pleine lune timide tomberait sur votre fenêtre
un suicide amer remis à l'automne
frappait à la porte de la nuit sans cesse
je connaissais les regards que vous aviez laissés sur le miroir
le cintre auquel vous avez joint votre solitude comme un manteau
le fauteuil toupie1 de cette dame du vieil Istanbul
les bouchons des "güzel marmara"2 que vous n'aviez pas jetés
-chaque nuit une chanson de l'île3 tombait de la bouteille-
étaient le témoignage de notre connaissance
cela veut dire "vous avez été vu" par les objets
peut-on l'appeler une histoire malheureuse
ou bien la partie la plus faible d'un scénario
peu importe,
c'était la nuit où j'ai aimé vos mots sales
je vous ai vu… voilà que je vous ai vu !
j'ai entendu le passage du dernier nuage par galatasaray4
le secret dans votre voix
la source était coincée entre deux montagnes
et une mer qui ne mérite pas son nom, en moi5
ainsi nous vous avons vu,
un par un et tous ensemble
la nuit mettait des bâtons dans mon sein
dans mes mains, vous, sur mon visage, vous
si vous demandez après ma voix
si courageuse qu'elle puisse chanter une chanson qu'elle ne connaît pas
et si mes yeux vous avaient interpelé lorsque vous passiez en moi
mais pas lorsque vous étiez loin
on aurait commis un assassinat jamais vu dans la rue d'Istiklal6
je vous avais vu, ce soir là aussi
vous n'étiez pas seul :
"votre raki monsieur, vous l'avez oublié…
maintenant un verre se casse avec cette honte
la nappe s'attristait"
même si je l'ai dit, vous ne m'avez pas vue
en vous, un parterre de tulipes dévasté
je vous ai vu dans la main d'œuvre de nedim, baki, fuzuli,
de haşim, nazim et cansever7
je vous ai vu quand vous vous déshabilliez pour un tableau de picasso
vous aviez pris tous les coins de la vie
je vous ai vu dans une ombre d'un balcon, tombant sur la ruelle,
aux minuits et devant la cheminée
par les temps que l'on confond avec le temps des cerises
quand vous fouilliez votre intérieur entre deux riens8
lorsque vous racontiez tout à l'autre
j'ai vu votre visage sur un plateau argenté
quand vous vous êtes réveillé dans une chambre sans soleil
je ne sais pas combien de fois je vous ai vu
je ne sais pas dans combien de clichés9…
je vous ai vu monsieur,
votre vie était comme vos mains
vous seriez seul
pas si "je" vous quittais, mais la mélancolie
Traduit par Reha Yünlüel et Pascale Gisselbrecht
1- on utilise d'image de la toupie pour désigner une sorte de fauteuil à bascule qui ne peut jamais se renverser
2- "güzel marmara" est le nom d'un vin de table turc, mais signifie également "belle Marmara". Marmara étant une mer.
3- les îles sur la mer de Marmara. Il est fréquent de trouver des chansons pour ces îles
4- Galatasaray est un quartier d'Istanbul
5- Le prénom de la poétesse du présent poème, « Derya », signifie également « la mer ».
6- Istiklal est une rue qui lie Galatasaray à Taksim dans le quertier de Beyoğlu, à Istanbul
7- poètes ottomans et turcs
8- dans le texte original il y a un jeu de sons entre "iç" (intérieur) et "hiç" (rien)
9- dans le texte original il y a un jeu de sons entre "kere" (fois) et "kare" (carré ou cliché)
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sizi gördüm bayım
akşam üstüydü ve tehlikeliydi
su sızıyordu kapalı musluklardan
prize dokunsam yanacaktı kalbimin ışıkları
kısa devre yapacaktı direndiğim hayat
bir bahar dalı gibi sarkmıştınız komşu bahçeye
salkımlar eğik, akasyalar telaşlı
söğütler pusudaydı görünmeyin diye
yine de gördüm sizi görmeyen gözümle bile
sokaklar anlatırdı sizi... kaldırımlar
bir de on dördüyse ayın
mahcup bir dolunay düşerdi pencerenize
güze ertelenmiş içli bir intihar
durmadan çalardı gecenin kapısını
tanırdım aynada bıraktığınız bakışları
yalnızlığınızı bir palto gibi iliştirdiğiniz o askı
o eski istanbul hanımefendisinin hacıyatmaz koltuğu
açıp da atmadığınız mantarları güzel marmara’ların
-ki her gece bir ada şarkısı düşerdi şişeden-
şahidiydi tanışmışlığımızın
‘görüldü’nüz yani nesnelerce
talihsiz bir hikaye mi demeli buna
bir senaryonun en zayıf yeri mi neyse işte
kirli sözcüklerinizi sevdiğim geceydi
sizi gördüm... gördüm işte!
galatasaray’dan geçişini son bulutun
sesinizdeki gizi duydum
iki dağ arasına sıkışmıştı pınar
bende adına yakışmayan kirli bir deniz
öylece gördük siziteker teker ve hepimiz...
çomak sokuyordu gece koynuma
elimde siz, yüzümde siz
sesim deseniz hiç bilmediği bir şarkıyı söyleyecek kadar cesur
ve gözlerim uzaktan değil
içimden geçerken yakalasaydı sizi
istiklal caddesi’nde hiç görülmemiş bir cinayet işlenecekti
o akşam da görmüştüm sizi
yalnız değildiniz:
rakınız bayım, rakınızı unuttunuz...
şimdi bir bardak kırılır bu utançla
masa örtüsü içlenir dediysem de
siz beni görmediniz
içinizde tarumar bir lalezâr
sizi nedim’in, baki’nin, fuzûli’nin
hâşim’in, nazım’ın ve cansever’in işçiliğinde
sizi bir picasso tablosu için soyunurken gördüm
bütün köşelerini tutmuştunuz hayatın
sizi sokağa düşen bir balkon gölgesinde
sizi gece yarılarında ve ocak başlarında
kiraz zamanıyla karıştırılan vakitlerde
sizi iki hiç arası karıştırırken içinizi
herşeyi anlatırken öteki’ye
hiç güneş almayan bir odada ısrarla
uyanınca gümüş bir tepside gördüm yüzünüzü
gördüm sizi kim bilir kaç kere
kim bilir kaç karede...
sizi gördüm bayım
elleriniz kadardı hayatınız
sizi ‘ben’ değil
hüzün terk edince yalnız kalacaktınız
2002
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